La nouvelle question SDF

(communiqué de presse)
Le syndicat CGT du Centre d’Action de la Ville de Paris affirme avec fermeté son soutien et sa solidarité envers les Parisiens à la rue. Ceci alors qu’ils sont au centre d’une polémique engagée par l’État et la collectivité Parisienne.

Depuis fin juillet dernier, un différend se développe au sujet de la décision de l’association Médecins du Monde concernant la situation des Sans Domicile de Paris.

En date du 21 décembre 2005, l’association Médecins du Monde annonce lors d’une conférence de presse son projet de distribuer des tentes pour les Parisiens vivant à la rue afin d’assurer une meilleure protection du froid et également pour attirer l’attention des pouvoirs publics. Environs 300 tentes seront ainsi distribuées.

A partir du 19 juillet 2006, le quotidien Libération fait état des missions de deux associations pour inciter les sans domicile à quitter certains endroits et accepter des hébergements. Le 22 juillet, le même quotidien titre : « Des associations, pour aider ou pour nettoyer ». De nombreux témoignages recueillis attestent de l’évidente intention de déloger le problème social que constitue la présence des sans logis à Paris et du problème particulier que posent leur nouvelle visibilité pour l’image de la Ville et les attentes de certains Parisiens sans problème de logement ni de précarité.

La Mairie ne s’est pas faite attendre pour contrer l’initiative de l’association et en confortant certains points de vues communiqués par ses associations missionnées et conventionnées.

Ainsi, le Maire de Paris défend-il une volonté « ferme et humaine » de déplacer les personnes à la rue, relayé par les déclarations de Madame Vautrin, Ministre de la Cohésion Sociale, qui affirme avoir vu des SDF pour lesquels leur condition est « un choix de vie ».

Ces gens-là ont toutes raisons d’ignorer que les sans logis proviennent dans leur majorité des milieux les plus défavorisés et qu’un sur deux a connu une action de placement lors de son enfance.

Certains responsables associatifs affirment que leur travail est devenu plus difficile depuis la distribution des tentes. Les Parisiens sans domicile acceptaient mal, comme on le sait, les places dans les systèmes d’hébergement collectifs d’urgence, l’usage des tentes les pousserait, semble-t- il, à être plus réticents encore.

On remarque la constitution de petits groupes et on peut constater l’émergence d’une nouvelle vie sociale : partage de responsabilité de surveillance des effets personnels, alimentation commune, partage, redécouverte de la lecture affirme un salarié de Cœur des Haltes au quotidien Libération le 22 juillet.

On apprend par Libération le 19 juillet qu’un pont de Paris a été « nettoyé » par des policiers et que les effets personnels des sans logis ont été jetés.

L’ensemble de ces faits et des réactions politiques et administratives qu’ils suscitent témoigne bien de manière édifiante du néant du débat sur la précarité et sur la politique sociale dans notre pays et plus particulièrement à Paris.

Depuis longtemps, la question SDF est cataloguée parmi les problèmes insolubles de la société contemporaine tout comme la montée de la précarité, l’augmentation des loyers ou l’aggravation des problèmes sociaux.

Elle est désormais présentée comme une difficulté qui concerne moins ceux qui en sont victimes que ceux qui ont à recevoir leur présence à proximité, les municipalités, à commencer par Paris, réduisent donc leur mission à la gestion du déplacement et de la visibilité des plus pauvres. Le débat ne portant notamment que sur le nombre de places en hébergement collectif ou la mise en place in extremis de salles de gymnase à disposition des sans abris pendant quelques heures à l’occasion des « Plans grand froid ».

Nous sommes régulièrement témoins des controverses entre Ville et Etat sur la compétence et la responsabilité des pouvoirs publics. Les Parisiens à la rue ne sont pas des Parisiens selon les autorités municipales, l’État, de son côté, fait la sourde oreille.

IL EST CLAIR QU'AU REGARD DES POLITIQUES, IL NE SONT GUERE QU'UN PROBLEME.

Pendant que cette dérisoire polémique fait rage, des femmes des hommes et de plus en plus d’enfants se retrouvent à la rue à la faveur d’une précarisation de la vie dont les conséquences sont de plus en plus dangereuses. Les conséquences homicides de cette incurie et de cet aveuglement ne sont plus à démontrer. Une étude du Collectif Morts à la rue nous apprend que l’espérance de vie d’un sans domicile est de 49 ans (contre 76 ans en moyenne nationale pour les hommes et 83 ans pour les femmes). Maladies, accidents, agressions, absence et difficultés d’accès aux soins, morts violentes sont le lot quotidien des grands précaires.

La CGT du Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris et ses militants tiennent à se démarquer des positions autorisées qui consistent à accentuer la marginalisation des Parisiens sans logis et les considérer comme un problème encombrant pour la gestion municipale ou la tranquillité des riverains. Nous profitons d’ailleurs pour rappeler que ce phénomène concerne également un certain nombre d’agents de la Ville qui sont sans logis.

A l’heure où le fatalisme domine et où l’apitoiement humanitaire saisonnier fait office de politique sociale nous tenons à rappeler que ce problème social et sanitaire qui touche les personnes les plus fragilisées dans notre système est avant tout un problème politique et économique. Le chômage, la précarisation, l’accès au logement de plus en plus difficile, l’exclusion des systèmes de soins et l’absence de plus en plus criante de système de protection sont les causes de l’accroissement du nombre de personnes sans domicile.

Aussi les tentatives de diversion sur le sujet comme la polémique actuelle sur la présence des tentes et la recherche de responsabilité par la Mairie et l’Etat au niveau d’une association, Médecins du Monde en l’occurrence, ne peut qu’entraîner notre plus énergique protestation.

Alors que les politiques et notamment ceux qui ont la responsabilité de la politique de proximité discutent vainement, la CGT du Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris ne peut qu’exprimer sa plus vive solidarité avec les victimes de ce système économique et apporte son soutien à ceux qui chaque jour ou à l’occasion aident de manière désintéressée leurs voisins à la rue. Nous apprenons ainsi par voie de presse que des riverains du Canal de l’Ourq ont distribué des repas en protestation contre ce déferlement indécent.

Un tel élan de solidarité est à l’image de la tradition et de l’éthique syndicale que nous défendons contre les positions réalistes ou administratives qui dominent aujourd’hui. Une telle situation est, ô combien, illustrative de l’incapacité politique contemporaine de traiter et même aborder la question sociale et témoigne de l’importance et de l’urgence d’un nouveau développement des luttes pour la transformation sociale.