● Le RAFP (Régime Additionnel de la Fonction Publique) ou nos retraites, à la bourse...


Attaque contre la retraite par répartition

« La Cour des comptes a rendu public, le 14 mars 2013, un référé sur le régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP).

Ce régime obligatoire, qui concerne 4,3 millions de fonctionnaires civils et militaires et de magistrats de l’ordre judiciaire affectés auprès de 45000 employeurs, avait déjà constitué pour 10 Md€ de provisions en 2010, cinq ans après sa création, et aura perçu 75 Md€ de contributions d’ici 2050.



La Cour estime que l’Etat doit être tout particulièrement attentif à la stratégie d’investissement de l’établissement gestionnaire, au regard notamment du financement de la dette publique et de la préservation des droits des agents. Elle considère que le dispositif confiant à la Caisse des Dépôts la gestion courante du régime - gestion qu’elle estime perfectible par ailleurs - soulève sur certains sujets importants des problèmes de régularité. »

Tous les personnels titulaires de la fonction publique se voient imposer depuis le 1er janvier 2005, pour tous les éléments de rémunération qui ne sont pas pris en compte par le régime principal (régime des pensions civiles des fonctionnaires de l’état ou CNRACL pour les personnels hospitaliers et des collectivités territoriales) un régime par capitalisation, le RAFP (Régime Additionnel de la Fonction Publique) géré par un fonds de pension.

Celui-ci s’applique réglementairement à un montant limité à 20% du traitement maximum, limites aujourd’hui largement dépassées.

C’est le premier fonds de pension obligatoire créé en France. Et il n’est pas tout à fait un hasard que celui-ci le soit dans la fonction publique.

Ce régime mis en place par la réforme des retraites de 2003 constitue une attaque frontale contre les régimes solidaires par répartition.

Il entraîne une fragilisation considérable des droits à retraite des fonctionnaires.

Il participe d’une financiarisation de l’économie dont on mesure aujourd’hui les conséquences. Il organise un transfert de cotisations vers les personnels et, dans le même temps, il sert d’outil d’accompagnement de la déstructuration du système de rémunération.

Cheval de Troie contre les régimes par répartition

Rupture des liens solidaires, absence de prestations définies et fragilisation de tous les régimes de retraites. A la différence des régimes par répartition qui fixent le niveau des retraites et organisent leur paiement au travers d’un système de solidarité intergénérationnelle (les cotisations d’aujourd’hui paient les retraites d’aujourd’hui), le système par capitalisation – fondamentalement différent – consiste à placer les cotisations d’aujourd’hui sur les marchés financiers afin de servir les retraites de demain à ces mêmes cotisants.

Les premiers sont généralement « à prestations définies » : chacun connaît le niveau de pension (au moins son taux) qui correspondra à sa carrière. Les seconds sont – comme le RAFP – « à cotisations définies »… seulement. C’est le niveau futur de la pension qui est, lui, aléatoire. Ce sont en effet les marchés financiers sur lesquels sont placées les cotisations versées qui sont censés générer un «rendement» permettant d’alimenter le niveau des retraites futures.

Rafp = régime à cotisations définies.
quant au niveau de la future retraite …
tout dépend de la bourse !

C’est ce changement fondamental de nature du système de retraites, avec la mise en place d’un fonds de pension, qui fragilise les retraites. Bien entendu, il s’est trouvé beaucoup de monde (y compris parmi certaines organisations syndicales) pour alimenter – sur la base des rendements financiers que faisait alors miroiter le gouvernement – l’idée de perspectives mirobolantes pour les retraites relevant du RAFP.

Lors de la présentation du projet devant les syndicats de la fonction publique, les projections gouvernementales faisaient état de rendements de 8% et 12% !!! (Alors que c’est 1% voir une moins value qui est actuellement l’ordre de grandeur constaté)... Ce qui prouve, une fois de plus, que les promesses ne valent que pour ceux qui veulent bien y croire. Aujourd’hui – les évolutions des marchés financiers étant ce qu’elles sont – les mêmes se font plus discrets sans pour autant renoncer, car il s’agit pour eux d’une stratégie fondamentale qui repose notamment sur le transfert de charges de cotisations retraites. L'État a réalisé ce que le patronat rêve d’imposer à tous les salariés…

Les conséquences de la capitalisation sur les retraites : 

La preuve par le marché.

La période de grave crise financière (avec ses conséquences économiques et sociales) que l’on traverse illustre aujourd’hui très clairement cette fragilisation des régimes de retraites par capitalisation que nous dénonçons depuis toujours : effondrement de plusieurs fonds de pensions – outre atlantique mais aussi dans de nombreux pays d’Europe.

Alors qu’au moment où ces lignes sont écrites le marché des actions a perdu en moins d’un an 50% de sa valeur, que le marché obligataire a une tendance baissière à laquelle s’ajoutent des risques potentiels de reprise de l’inflation participant de l’amenuisement des rendements, les actifs des fonds de pensions se réduisent de manière dangereuse pour les retraites qu’ils doivent verser.

Toutes ces menaces concernent bien évidemment le RAFP. Les conséquences négatives sont certes aujourd’hui largement masquées par la jeunesse du régime car il n’y a que peu de versements (actuellement en capital – en raison du seuil arrêté -, puis en rente, lorsque le nombre de points acquis est supérieur à ce seuil, soit 5125 points) alors qu’en regard les rentrées de cotisations sont très importantes.
De même, la structure initiale des actifs, avec une grande majorité d’obligations d’état, moins touchées dans l’immédiat, protège le régime d’une trop grande dépréciation de ses actifs.

Le RAFP a en effet réglementairement un portefeuille d’action qui représente (encore) un volume relativement faible (le maximum actuellement autorisé – qui n’est pas atteint – est de 25% des actifs), le reste étant investi sur des obligations d’Etat pour l’essentiel, ce qui, dans l’immédiat, « limite la casse » pour l’ensemble des actifs du régime.
N’empêche qu’il s’agit là d’arguments d’opportunité largement conjoncturels.

Les dégâts de la capitalisation

- Tous les fonds de pension ont connu dans la période une perte considérable de leurs actifs. Fin 2008, les pertes en capitaux des plans de retraite privés étaient évaluées par l’OCDE à 5 000 milliards de dollars (soit – 20% par rapport à décembre 2007).

- De son côté, le FRR (fonds de réserve des retraites) - qui fonctionne par capitalisation et dont l’objectif est théoriquement d’assurer la pérennité des régimes de retraite - a, en quelques mois de crise, perdu (perte potentielle tant que les actifs ne sont pas réalisés) 24,8% de sa valeur (comptes fin 2008). De l’ordre de 6 milliard d’euros !... soit de quoi faire face aux besoins de financement complémentaires actuels….

En effet, concernant les aspects prudentiels on soulignera que d’une part tout est fait pour que les contraintes prudentielles imposées par les textes évoluent (en diminuant la place des obligations au regard d’autres types de placements financiers) et que, d’autre part, les « espérances de rendement » des obligations d’état ne font plus l’objet des mêmes certitudes de la part des « spécialistes » financiers.

Pour convenir que les garanties apportées par les obligations d’état sont très loin d’être une assurance pour le long terme, il n’est qu’à voir la situation actuelle des finances publiques de certains pays et d’y ajouter l’émission considérable d’emprunts suite aux endettements des états pour « soutenir les banques » (avec les conséquences que cela peut générer, y compris en termes de perspectives d’inflation pour atténuer les effets des remboursements de cette dette).

Secondement si la baisse des actions n’a pour l’immédiat que des effets strictement «comptables » tant qu’il n’est pas nécessaire de les vendre pour payer des retraites… il n’en demeure pas moins que cette baisse de leurs cours est bien réelle et qu’il n’est pas du tout certain que l’on assiste à une remontée rapide à leur niveau d’acquisition afin de permettre de payer des retraites intégrant ne serait ce que le niveau de l’inflation.

Sans compter que rien, mais alors rien du tout (et c’est même le contraire car c’est le système lui-même qui est en cause) n’exclut le renouvellement de tels effondrements des marchés au moment où le régime sera en « vitesse de croisière » et aura donc besoin de vendre, conduisant alors à des conséquences catastrophiques pour les retraites.

Il ne semble pas sérieux de s’abriter derrière un « caractère conjoncturel » de tels éléments pour ne pas voir (ou ne pas montrer) tout ce qu’il y a comme risques dans ce type de régime par capitalisation.

Car le réel sous-jacent est bien là : Régime par capitalisation, le RAFP en porte tous les aspects négatifs, et l’évolution de la valeur de service du point du RAFP qui se ralentit actuellement pour progresser plus faiblement que les régimes par répartition en est un début d’illustration.

Ce régime, c’est aussi un transfert considérable des cotisations vers les salariés.

Sous couvert de participer au financement du régime, les pouvoirs publics font en réalité une très grande économie sur le dos des salariés.

Pour ce qui est des retraites du régime « principal » des fonctionnaires, le financement est assuré dans les conditions suivantes :

- pour les pensions civiles, par les cotisations des fonctionnaires d’Etat à hauteur de 12 % du total et par l'État à hauteur de 88 % ;
- pour la CNRACL par les cotisations des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers à hauteur de 22 % et par leurs employeurs à hauteur de 78 %.

Pour ce qui est du RAFP, la part versée par le salarié est de 50% (idem pour les employeurs). Soit, au minimum, le doublement de la contribution salariale par rapport au Service des pensions ou la CNRACL. Et tout ça pour un «retour» sous forme d’une retraite dont le niveau n’a rien de garanti !

Un régime qui accompagne la déstructuration du système de rémunération.

Le RAFP accompagne la déstructuration du régime de rémunération, ouvrant grand la porte à une place croissante de rémunération sous forme de primes (ou heures supplémentaires pour le «travailler plus afin de gagner plus»).

Il s’agit là de dispositifs ayant un impact budgétaire bien moindre que des revalorisations de la valeur du point (en raison notamment de cotisations sociales bien moins élevées) dans le même temps où ils répondent à l’objectif de mise à bas des garanties collectives dans la fonction publique.

L’appellation originale d’un régime de retraite « sur les primes » est de fait dépassée puisque sont désormais pris en compte dans l’assiette de ce régime des éléments de la rémunération principale, tels non seulement les heures supplémentaires avec leur place croissante mais aussi le Compte Épargne Temps ou encore la GIPA - la « Garantie Individuelle du Pouvoir d’Achat » - qui ne sont rien d’autre que de la rémunération principale différée.

D’ores et déjà et par glissements successifs (qui sont très loin d’être achevés si on laisse faire) le régime par capitalisation couvre une part de plus en plus importante de la rémunération.

La règle d’une assiette maximale de 20% du traitement est largement contournée (le pouvoir entend d’ailleurs la supprimer) faisant peser ainsi des dangers croissants sur l’avenir de nos pensions.

Le régime par capitalisation s’inscrit dans une logique
de financiarisation avec toutes ses conséquences.

Par nature, parce qu’il faut qu’il cherche des rendements financiers élevés sur les marchés, le régime par capitalisation participe (et se nourrit) de la logique d’un système dont on connaît la contrepartie qu’il génère en dégâts sociaux (licenciements, pression sur les salaires et les acquis sociaux, surexploitation de pays entiers, etc…) et environnementaux (la recherche de la rentabilité fait le plus souvent l’impasse sur les dimensions environnementales).

Depuis le 1er janvier 2005 (entrée en vigueur du RAFP) :

- La base de calcul des retraites par répartition est passée de 100 à 106,97.
- La base de calcul du RAFP (valeur de service du point) est passée de 100 à 106,52.
le tout pour une inflation (moyenne annuelle) qui a progressé de 100 à 107,70.

Il en ressort

- que toutes les retraites perdent en pouvoir d’achat
- et que le RAFP (par capitalisation) perd encore plus que les retraites par répartition.

Dans la période que nous traversons, nous mesurons combien cette recherche d’un taux de profit le plus élevé possible est source de crise, faisant du profit l’objectif primordial de l’investissement, ignorant la légitime exigence de réponse aux besoins sociaux, déconnectant l’évolution du rendement financier de celle des richesses créées.

Ainsi le comportement des « fonds de pension de retraite » est il fondamentalement aussi prédateur que celui des autres gros actionnaires.

La Cgt propose

De lutter pour la transparence et intervenir sur les investissements du RAFP.
Au-delà même d’un Conseil d’administration de l’établissement qui marginalise largement les personnels (leurs représentants y sont minoritaires alors même que c’est de leurs cotisations et de leur retraite qu’il s’agit) qui est totalement antidémocratique (il n’est pas tenu compte de la représentativité des organisations ; le président n’est pas élu mais désigné par le pouvoir, en même temps que des personnalités dites « qualifiées »…) le régime est d’une opacité totale. Il n’y a aucune information réelle, continue et efficace. Les personnels ignorent ce qui est fait de leurs cotisations, comment elles sont gérées, quelles sont les évolutions des actifs du régime…

Un des combats de la CGT au sein de cet organisme est d’exiger de la transparence et de l’information en direction des personnels.

Par ailleurs, la CGT est intervenue fortement, a proposé et a réussi à faire avancer des conceptions visant à ne pas avoir pour objectif le rendement maximum, mais valorisant tout au contraire des investissements socialement responsables, prenant en compte une série de dimensions telles que l’emploi, la formation, l’évolution des rémunérations au regard de l’évolution des versements effectués au bénéfice des actionnaires, le rejet des paradis fiscaux, la lutte contre les rejets de gaz à effet de serre, etc. (il y a une cinquantaine de critères).

Tout en étant conscient des limites de l’exercice (cela ne va pas changer fondamentalement la nature d’un régime par capitalisation) les possibilités d’investissement sont ainsi toutefois mieux encadrées au regard de leurs effets sociaux et environnementaux et les « financiers » n’ont pas toute liberté.

La CGT a imposé et continue d’intervenir pour des investissements « socialement responsables » sur l’ensemble des actifs du régime.

D’articuler reconstruction de la grille, système de rémunération et retraite par répartition.
La mise en place de ce régime par capitalisation s’est largement appuyée sur la situation dégradée du taux de remplacement réel des retraites pour les fonctionnaires, en raison notamment de la non prise en compte de primes par ailleurs en pleine expansion.
La boîte de pandore a été ouverte et nombreux sont ceux qui aujourd’hui en mesurent les effets.

Pour la CGT, il s’agit tout à la fois de :

- procéder à une reconstruction de la grille unique de rémunération reconnaissant les qualifications et intégrant les rémunérations hors traitement qui dévoient le paiement de la qualification
- prendre en compte ainsi l’ensemble de la rémunération dans le calcul des droits à retraite dans le cadre du régime principal.
- de mettre le RAFP en extinction.

Sur le fond, le combat pour le développement des régimes par répartition demeure plus que jamais d’actualité.

Les effets de la crise et leur impact sur les régimes par capitalisation permettent d’illustrer encore mieux le bien fondé des exigences revendicatives que la CGT porte. Et le présent document doit servir aussi à cela.

Les alternatives présentées par la CGT pour ce qui est des moyens de financement des régimes par répartition sont plus que jamais d’actualité.

Une démarche et des propositions qui s’inscrivent dans la bataille générale de l’ensemble des salariés pour le développement des retraites solidaires et l’exigence des moyens de leur financement en modifiant la répartition des richesses en faveur du travail et en dégageant des ressources supplémentaires des revenus financiers.