● Indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) – Attention aux dégâts !

Le texte


Le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat instaure une nouvelle prime pour les fonctionnaires, qui se substitue à la très controversée prime de fonctions et de résultats (PFR).

Le dispositif se substitue à la prime de fonctions et de résultats (PFR), déjà en vigueur au CASVP pour les attachés d’administration.

Le présent décret créé une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), qui a vocation à se substituer aux régimes indemnitaires ayant le même objet pour tous les fonctionnaires de l'Etat.


Ce régime indemnitaire tend à valoriser principalement l'exercice des fonctions via la création d'une indemnité principale, versée mensuellement.

Celle-ci est exclusive, par principe, de tout autre régime indemnitaire de même nature et repose, d'une part, sur une formalisation précise de critères professionnels, d'autre part, sur la prise en compte de l'expérience professionnelle. A cela s'ajoute un complément indemnitaire annuel versé en fonction de l'engagement professionnel et de la manière de servir.

Ce régime indemnitaire est applicable aux corps de fonctionnaires de l'Etat qui y ont adhéré par arrêté des ministres chargés de la fonction publique et du budget et du ministre dont relève ce corps et a vocation à remplacer les autres régimes indemnitaires de même nature au plus tard le 1er janvier 2017 pour tous les corps de fonctionnaires de l'Etat.

Le nouveau régime indemnitaire “tend à valoriser principalement l’exercice des fonctions via la création d’une indemnité principale, versée mensuellement”.

Elle sera applicable “à certains corps de fonctionnaires à compter du 1er juillet 2015 et à l’ensemble des fonctionnaires, sauf exceptions, à compter du 1er janvier 2017”.

Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions.

Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants :

1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ;
2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ;
3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel.

Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé.

Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade et statut d'emplois, les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions et les montants maximaux applicables aux agents logés par nécessité de service.

Le versement de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est mensuel.

Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise fait l'objet d'un réexamen :

1° En cas de changement de fonctions ;

2° Au moins tous les quatre ans, en l'absence de changement de fonctions et au vu de l'expérience acquise par l'agent ;

3° En cas de changement de grade à la suite d'une promotion.

Les fonctionnaires pourront bénéficier d'un complément indemnitaire annuel qui tient compte de l'engagement professionnel et de la manière de servir, appréciée dans les conditions fixées en application de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984.

Il est compris entre 0 et 100 % d'un montant maximal par groupe de fonctions fixé par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé.

Le complément indemnitaire fait l'objet d'un versement annuel, en une ou deux fractions, non reconductible automatiquement d'une année sur l'autre.

Lors de la première application des dispositions du présent décret, le montant indemnitaire mensuel perçu par l'agent au titre du ou des régimes indemnitaires liés aux fonctions exercées ou au grade détenu et, le cas échéant, aux résultats, à l'exception de tout versement à caractère exceptionnel, est conservé au titre de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise jusqu'à la date du prochain changement de fonctions de l'agent.

I. ― Bénéficient des dispositions du présent décret, au plus tard à compter du 1er juillet 2015 :

1° Les corps d'adjoints administratifs régis par le décret du 23 décembre 2006 susvisé ;
2° Les corps de secrétaires administratifs des administrations de l'Etat, régis par le décret du 19 mars 2010 susvisé ;
3° Les corps interministériels des assistants de service social et des conseillers techniques de service social des administrations de l'Etat, respectivement régis par les décrets n° 2012-1098 et n° 2012-1099 du 28 décembre 2012 susvisés, ainsi que l'emploi de conseiller pour l'action sociale des administrations de l'Etat régi par le décret n° 2012-1100 du 28 décembre 2012 susvisé ;
4° Le corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat, régis par le décret du 17 octobre 2011 susvisé ;
5° Les agents qui, à la date de publication du présent décret, perçoivent la prime de fonctions et de résultats, régis par le décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 relatif à la prime de fonctions et de résultats.

II. ― Au plus tard à compter du 1er janvier 2017, bénéficient des dispositions du présent décret l'ensemble des fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, à l'exception de ceux relevant d'un corps ou d'un emploi figurant dans un arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget.

III. ― Le décret n° 2002-1105 du 30 août 2002 relatif à l'indemnité forfaitaire représentative de sujétions et de travaux supplémentaires attribuée aux personnels des corps interministériels d'assistants de service social des administrations de l'Etat et de conseillers techniques de service social des administrations de l'Etat ainsi qu'aux personnels détachés sur un emploi de conseiller pour l'action sociale des administrations de l'Etat est abrogé à compter du 1er juillet 2015.

IV. ― Le décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 relatif à la prime de fonctions et de résultats est abrogé à compter du 1er juillet 2015.

L'application à la Ville et au CASVP


Nous savons que dès la notation 2014, dont la campagne devrait démarrer après l'été, la Ville de Paris s'engage vers l’institution de contrats d'objectifs qui figureront sur le formulaire de notation / évaluation.

La note sera maintenue à titre indicatif pour 2014 et devrait disparaître en 2015. Elle n'aura de toute façon plus beaucoup d’importance puisque le contrat d'objectif sera la ligne conductrice de l'entretien d’évaluation.

La nouvelle indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE)

La Ville de Paris qui entend remettre à plat le régime indemnitaire des agents et instituer un minimum de transparence sur les primes versées va probablement profiter de l'aubaine pour mettre en place cette nouvelle prime qui se substituera à toutes les autres.

A ce jour, ni la DRH de la Ville, ni celle du CASVP ne communiquent sur la question.

Une chose est sure, la mise en place d'un CT (comité technique) en substitution au CTP (comité technique paritaire) dès 2015 va obliger la Ville et le CASVP à communiquer sur les primes versées.

En effet, si les primes et indemnités ne relevaient pas des compétences du CTP (comité technique paritaire), elle vont relever de celles du CT (comité technique) dont les membres représentants le personnel seront élus le 4/12/2014 directement par les agents.

Compte tenu du statut particulier de la Ville et du CASVP dont certains corps sont alignés sur la fonction publique de l'Etat (administratifs, techniques...), d'autres sur la fonction publique territoriale (assistants sociaux, agents sociaux...) et d'autres sur la fonction publique hospitalière (infirmiers, aides soignants...), il n'est pas certain que nous serons tous logés à la même enseigne...

La position de la CGT sur l'IFSE (indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise)


Cette indemnité sera directement connectée à l'entretien d'évalaution.

La CGT s'est exprimée largement sur son opposition à la mise en place des contrats d'objectifs et de la performance au CASVP (voir le site internet CGT/CASVP).

L’entretien d'appréciation vise à faire rentrer en force une logique de travail par objectif qui favorise la mise en concurrence entre collègues. C’est une voie dangereuse pour les rapports de solidarité au travail et l’esprit d’équipe. C’est celle de l'individualisme au détriment de la reconnaissance collective du travail effectué. C’est contraire à notre conception du fonctionnement du service public.

Pour la CGT l'administration ne peut rendre responsable un agent (catégorie B ou C) de ne pas avoir atteint des objectifs fixés, celui-ci ne maîtrisant, ni les moyens humains et matériels, ni les contraintes budgétaires.

Nous voyons, dans le cadre actuel de la labellisation où l'administration veut en venir : Imposer des normes aux agents qui s'avèrent totalement irréalistes, dans un schéma strictement «commercial», qui ne tient aucun compte de leurs avis, au détriment de la reconnaissance des qualifications et de la conscience professionnelle.

La CGT considère que l'IFSE introduit un transfert de la rémunération au mérite, au détriment du salaire de base, socle d'équité.

Les textes afférents ne font que creuser les inégalités de rémunération par le biais de prime de rentabilité et performance.

Pour nous, il n'est pas acceptable d'entrer dans une logique pratiquée dans le privé, qui lui n'est pas soumis aux mêmes missions, logiques et contraintes.

Ce sont l'augmentation du point d'indice et les revalorisations des déroulements de carrières qui sont la réponse au pouvoir d'achat des agents de la fonction publique.

L'IFSE est un système dangereux


1 L'IFSE définit un cadre. Mais qui définit l'enveloppe de crédits et « les montants individuels versés et la marge de variation » ? Est-ce la DRH ou les directions et selon quels critères ?

Qui définit «les modalités concrètes de traduction indemnitaire des résultats de l'évaluation» ?

2 On tente de nous faire miroiter des augmentations significatives des primes, les montants réels sont déterminés par la Ville de Paris en fonction des gains de productivité réalisés, en terme clair du nombre d'emplois supprimés puisque la moitié de l'économie salariale doit théoriquement revenir aux agents sous forme d'augmentation des primes ou de mesures catégorielles.

3 Des garanties sont énoncées sur le maintien du montant des primes. Mais la prime aux résultats est totalement aléatoire et peut être égale à zéro.

La réalité du système est de s'attaquer, sur la partie de la rémunération que représentent les primes, au minimum de garanties qui s'y attachent aujourd'hui.

La métropole du Grand Paris avec ses ‘mutualisations’ de postes aggravera les pertes de revenus.

On voit que dans tous les cas, le nouveau régime accentue considérablement l'amplitude avec un minima très en dessous des situations existantes, un maxi qui tient compte des situations les plus favorables.

Il précarise ainsi significativement un élément essentiel de la rémunération.

Les primes aux résultats dépendent très largement de l'entretien individuel d'évaluation et sont arrêtées par le chef de service.

Même si ce principe n'est pas celui d'un lien mathématique entre l'appréciation du travail d'un agent et le montant individuel de la prime, il est bon de rappeler que les fonctionnaires sont dans une situation statutaire et réglementaire et n'ont pas vocation à négocier individuellement leurs conditions de rémunérations.

Le fonctionnaire se retrouve maintenant seul face à l'arbitraire de l'employeur. Cela n'est pas sans rappeler la situation antérieure au statut de 1946.

En conclusion


Il s'agit là tout d'abord d'un décrochage fondamental au regard de la notion de fonction publique de carrière qui a prévalu dans la fonction publique française, et qui est garante de l'égalité de traitement des citoyens.

Dans l'autre système qui se met en place progressivement - la fonction publique d'emploi -, la situation de l'agent ne dépend plus de son grade mais de l'emploi qu'il occupe d'où une série de risques lourds sur la situation des personnels comme sur le contenu des missions.

Ce n'est plus la qualification et l'investissement de l'agent dans sa mission de service public qui détermineront sa situation mais le « résultat ».

L'agent est fortement fragilisé, le contenu du service public aussi.

Ensuite cela s'inscrit dans le cadre d'une évolution du système de rémunération étroitement conjuguée à un transfert de plus en plus rapide des retraites vers un régime par capitalisation - et qui se confirme - lors de la mise en place du Régime Additionnel de la Fonction Publique.

Par ailleurs et dans le même sens d'un détricotage généralisé des garanties collectives et du service public, on relèvera qu'un tel dispositif :
  • est contradictoire avec le contenu même du service public dans la mesure où la recherche de la performance génère des « ciblages » de missions selon des critères non plus d'égalité de traitement mais de résultats chiffrés. Il en est d'ailleurs de même pour ce qui est des implantations du service public guidées alors par la notion de rentabilité, de participation au « résultat ».
  • est aussi contradictoire avec la notion de mobilité, dans la mesure où celle-ci ne pourrait plus se faire à partir de la transférabilité de qualifications mais pourrait prendre en compte un niveau de résultats obtenus, ce qui risque bien de conduire à ce que les plus « cotés » à ce titre ne souhaitent pas spontanément quitter leur emploi (et la prime qui va avec) et que les autres risquent fort de ne pas être forcément «attendus». Et dans tout cela le nombre de part de prime au résultat devenant un élément central d'un véritable «marché» de l'emploi.
  • est enfin contradictoire avec l'efficacité des services en développant une mise en concurrence des personnels au sein des collectifs de travail.
La question du niveau, de la nature et du contenu de la rémunération qui est un enjeu revendicatif majeur pour les personnels, l'est tout autant pour le service public lui-même.

La CGT demande un statut de la Fonction Publique créateur de droit et pas uniquement d’obligations.

L'IFSE source d’inégalité de droits va à l’encontre de la notion d’indépendance !