● "Moi Daniel Blake" - Un film de Ken Loach


"Moi Daniel Blake" est un film sur la destruction du système de «protection» sociale britannique. C'est aussi un film qui nous interroge : Ça se passe comment chez nous ? En France, à Paris, au Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris…

Ce film nous renvoie aux conséquences du Nouveau Management, qui à coup de standardisation des procédures, de démarche qualité, d’objectifs chiffrés, d’évaluation permanente, de contrôle de notre travail par l’informatique est en train de mettre tout par terre.


Cette standardisation vise non à améliorer la qualité de la prestation donnée mais le renforcement de l'assujettissement des salariés, la diffusion de l'idée que la qualité ne relève que des professionnels de terrain et non de l'investissement, de l'emploi et des moyens alloués.

Elle vise aussi à dénaturer la part personnelle de la pratique professionnelle au profit de pratiques normalisées et évaluables.

Seuls les objectifs statistiques sont valorisés par les reformes de pratiques exigées par la démarche qualité.

Par un singulier tour de passe-passe, la mairie et le CASVP font passer le développement de la qualité par la valorisation de la quantité !

Le nouveau management au Centre d'Action Sociale de la Ville de Paris

Il s'est installé à tous les niveaux (EHPAD, sections, PSA, services centraux…), et ses instruments (démarche qualité, labellisation, QualiParis, projet de service, évaluation individuelle, contrats d'objectifs) nous asservissent chaque jour un peu plus.

Au bout du chemin, ultime récompense, une prime de fonctions et de résultats dont on nous cache la finalité…

L’affichage de la performance individuelle comparée


Afficher les résultats de chacun aux yeux de tous, mettre en avant les «meilleurs» comme les «moins bons» qui n’auront pas atteint les objectifs fixés et au centre « les moyens » qui seront aussi stigmatisés parce qu'ils peuvent mieux faire…

Des comparatifs sont déjà établis par les services centraux (SDIS, SDSPA, SDSLE) au travers de tableaux de bords, de statistiques et autres indicateurs bureaucratiques. Ils tendent à pointer du doigt tel établissement ou tel service.

Le retentissement est catastrophique.

Nous sommes visés dans notre travail et notre conscience professionnelle, alors que nous ne maîtrisons ni les moyens qui nous sont alloués, ni la mise en place des politiques menées avec pour conséquences un fort sentiment de perte de reconnaissance et une augmentation de notre souffrance au travail.

Gestionnaires de dispositifs

Nous nous interrogeons sur les causes de la précarité, sur l'augmentation de la pauvreté et du nombre de chômeurs, sur la violence des usagers, sur la souffrance en EHPAD…mais le CASVP nous cantonne à la gestion de dispositifs mis en place par le pouvoir politique avec pour but premier un affichage électoral, une vitrine à montrer, mais avec à l'arrière un magasin vide de sens.

La politique du tape à l’œil

Tous les agents du CASVP ont maintenant compris l'orientation d'un label QualiParis qui ne se résume qu'aux délais de traitement des dossiers, à répondre plus vite au téléphone, à effectuer des relances forcées aux usagers qui n'ont pas donné suite à leur demande alors que nous sommes déjà débordés, à nous infliger un traçage de notre activité par une informatisation chaque jour plus inquisitrice.

« Une dynamique du changement »

Ce concept creux est brandi par la direction du CASVP comme la solution à tous les dysfonctionnements. Il n'a pour finalité que la réduction des effectifs et l'augmentation de la productivité.

Mais quand les choix de réorganisation sont imposés, les règles édictées contredites ou falsifiées pour rester dans la norme fixée par la labellisation, alors les repères disparaissent. On a ici affaire à une organisation destructrice.

Fatigue, stress, horaires variables réduits, difficultés à prendre ses congés ou à s’inscrire aux formations, absence de visibilité sur le déroulement de carrière, agressivité des usagers due au temps trop restreint consacré à l'entretien et au manque de moyens, impossibilité de tenir des délais de traitement raisonnables…

Devenus des machines à instruire, c’est cette réalité professionnelle que nous sommes de plus en plus nombreux à vivre avec les répercussions sur notre vie familiale.

Alors ?

Comme le dit justement Ken Loach "Si on ne se bat pas, qu'est-ce qui reste ?"