« Si nous nous obstinons à concevoir notre monde en termes utilitaires, des masses de gens en seront constamment réduites à devenir superflues ».
Hannah Arendt
Nous sommes tous concernés parce qu'un jour la question se
posera pour un de vos proches, ou pour vous même d'entrer en maison de
retraite.
Madame la Maire de Paris doit être la première à dégager des fonds pour répondre rapidement à la souffrance des résidents, au désarroi des personnels et au dénuement des services.
Paris en a les moyens, Paris en a la capacité. Paris capitale
de la France doit développer une politique de prise en charge des personnes
âgées en maison de retraite qui pourrait être montrée en exemple pour ce qui
doit se faire en la matière.
Nous parlons ici de la fin de vie, de son accompagnement, de
sa charge quotidienne de souffrances physiques et psychiques voire
psychiatriques, d’affections neurologiques comme la maladie d’Alzheimer, de
tâches hospitalières difficiles et peu valorisées.
Depuis plusieurs années les conflits dans les maisons de
retraites, les interpellations des salariés en direction de notre syndicat se
multiplient. Cela est dû, en grande partie au manque de personnel, qui entraîne
une détérioration des conditions de travail des salariés et à des conséquences
désastreuses sur les résidents.
Les résidents et les personnels paient "cash" une
politique d'austérité à courte vue qui considère comme superflu le bien être
des personnes âgées dépendantes.
Les personnels témoignent
«Lorsque l'on prend trois minutes pour donner à manger à une
personne âgée parce qu'on en a quinze à faire manger, quand on n'a pas le temps
de revenir pour emmener une personne aux toilettes et qu'on la rend
incontinente, oui, nous sommes maltraitants. Mais comment voulez-vous faire
autrement, sans personnel suffisant ? »
Les personnels soignants du CASVP aiment leur métier, mais
expliquent combien il est frustrant «de ne pas avoir assez de temps pour
établir une relation avec les personnes âgées». «J'ai 36 patients à ma seule
charge»...
«Les personnes âgées ont un vécu, une histoire. C'est leur
dernière demeure ici. Les relations que nous pouvons tisser sont essentielles,
mais nous ne pouvons pas y répondre. C'est désespérant».
«Il y a 23 ans, quand j’ai commencé ma carrière, les
personnes entraient vers 65 ans, aujourd’hui, elles entrent vers 80 ans, dans
un état forcément plus dégradé. Le résultat, c’est que ces personnes ont des
besoins plus lourds, des capacités plus réduites. La difficulté supplémentaire,
c’est que nous ne sommes pas assez nombreux pour faire face et nous avons
l'impression que les effectifs diminuent au lieu d'augmenter».
27 avril 2017, la CGT s'adresse à Anne Hidalgo
Madame la Maire,
En cette année 2017, la CGT et le personnel des EHPAD
constatent que le problème récurrent du sous-effectif dans les établissements
pour personnes âgées dépendantes n’est pas résolu.
Nous ne pouvons plus nous entendre dire que les taux
d’encadrement actuels sont fixés par la convergence tarifaire et que la Mairie
de Paris n’a pas vocation à faire mieux. Nous sommes très loin du plan
Alzheimer qui prévoit 1 soignant pour 1 résident.
Il faut savoir, Madame la Maire, quelle politique vous
souhaitez mener pour le bien-être de nos aînés.
Actuellement, la situation est catastrophique et le signal
d’alarme que tirent les agents des EHPAD et des services d’aide à domicile doit
être entendu.
En effet, les carences de l’administration se retournent
maintenant sur les personnels qui sont accusés de tous les maux alors qu’ils
sont à bout.
La Direction reconnaît le malaise social existant, la
difficulté d’organisation du travail, le manque d’effectif, la souffrance et
l’usure des personnels, cependant elle n’apporte aucune solution… pire,
elle supprime des postes.
La réponse qui consiste à dire que tout va aller mieux avec
la démarche qualité est totalement inadaptée au regard de la souffrance vécue
par les personnels au quotidien.
Plus grave encore, cette démarche qualité tend à la
culpabilisation des agents, puisqu’ils s’aperçoivent que leur bonne volonté et
leur conscience professionnelle ne suffisent plus et qu’ils devraient faire
mieux et autrement.
Elle rend les conditions de travail des agents encore plus
difficiles puisqu’elle ne donne pas les moyens pour une application concrète et
réaliste sur les lieux de travail.
Il faut que vous sachiez, Madame la Maire de Paris, que
compte tenu des effectifs insuffisants, 2 soignants voire 1 seul doivent
souvent prendre en charge un service de 27 résidents grabataires, voire plus.
Accepteriez-vous Madame la Maire, de ne pouvoir être douché
qu’une seule fois tous les 15 jours par manque d’effectif?
Le constat est unanime et alarmant : du fait du sous-effectif,
le travail collectif s’est transformé en épreuve individuelle.
À ce niveau, toute démarche qualité est vouée à l’échec et
nous sommes dans ce cas dans le cadre d’une maltraitance institutionnelle
totalement insupportable pour les résidents et les personnels. Les démissions
institutionnelles ne sauraient être comblées par quelques démarches qualité ou
autre dispositif de ce type.
Il est bien évident qu’une telle situation ne fait pas
qu’atteindre les personnels salariés. La mauvaise qualité des conditions de
travail dont souffrent les résidents a bien sûr des conséquences sur l’ensemble
du système relationnel dans l’établissement.
Face à la psychorigidité des directions locales, les
personnels se sentent maltraités, humiliés et non respectés dans l’exercice de
leurs missions.
En conséquence, la CGT vous demande Madame la Maire, de bien
vouloir dégager des fonds en conséquence afin de palier à la souffrance des
personnels et des résidents. Il vous appartient d’engager une politique
d’action sociale à la mesure de la situation.
Sur un autre volet d’absence de reconnaissance, comment
pouvez-vous justifier la non attribution de la NBI aux agents des EHPAD alors
même que celle-ci est attribuée dans la fonction publique hospitalière aux
agents exerçant auprès des personnes âgées n’ayant pas leur autonomie de vie
dans les services de gériatrie ?
Aussi, forts de ce constat affligeant et révoltant, nous
vous demandons de bien vouloir nous recevoir en entrevue syndicale sur ces
différents sujets et sur les mesures que vous comptez prendre afin de faire
mieux que les orientations actuelles qui ne servent en aucune manière le
dévouement des personnels et la qualité de service attendue par les usagers des
EHPAD du CASVP, mais aussi des personnels des services d’aide à domicile.
Pour la CGT, il est impensable que la capitale de la France
ne développe pas une politique de prise en charge des personnes âgées qui
pourrait être montrée en exemple pour ce qui doit se faire en la matière.
Recevez, Madame la Maire nos salutations distinguées.
Le secrétaire général de la CGT-CASVP
Michel THUEUX