Un vrai problème, une réponse dévoyée
Explosion de la pauvreté
Plus de 1,5 million de personnes tentent aujourd’hui de vivre avec le Rmi ou l’Api (1). 8 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit 12 % de la population française. Ils vivent avec 817 euros par mois ; la grande majorité travaille. Ce sont les « travailleurs pauvres », employés à temps incomplet ou qui alternent des périodes travaillées et chômées.
Du fait d’effets de seuils, reprendre un travail est parfois synonyme, pour eux, de perte de revenus pour le ménage. Le monde à l’envers ! Alors que certains s’enrichissent de façon éhontée, d’autres voient leurs salaires, leurs retraites et pensions bloqués ou peinent à trouver un emploi décent, à vivre de leur travail et à faire des projets d’avenir pour eux et leur famille.
Le Président de la République et le gouvernement ont annoncé, à grand renfort médiatique, vouloir s’attaquer à ces effets de seuils et à ce fléau de la pauvreté. Le remède miracle : le Rsa.
Le gouvernement reconnaît lui-même que le nombre de travailleurs pauvres a augmenté de 21 % ces trois dernières années (contribution de Xavier Bertrand et de Martin Hirsch parue dans le Monde du 10 septembre 2008).
Une mesure en « trompe-l’œil »
Le Rsa (2) consiste à verser aux bénéficiaires des minimas sociaux qui reprennent une activité rémunérée ou à un salarié « pauvre » qui travaille, une allocation complémentaire à leur salaire. Le financement est assuré, en partie, par les budgets de l’Etat et des conseils généraux ; l’autre partie serait financée par une taxation sur le capital de certains revenus (3). En clair, la collectivité accepte de payer un complément de salaire à celles et ceux qui retrouvent un emploi et dont les revenus (individuels ou du ménage) se situent en dessous d’un barème prédéterminé. Elle se substitue de fait, aux employeurs, en subventionnant de façon pérenne, un complément de revenus sans limitation de durée. Plutôt que de s’attaquer aux racines de la pauvreté : absence d’emplois de qualité, explosion des emplois précaires, faiblesse des salaires, le gouvernement fait un nouveau cadeau aux entreprises, en les encourageant à développer le temps partiel et les bas salaires. De plus, ce sont nos impôts - directs et indirects -, la suppression des exonérations de taxes dont bénéficient les plus pauvres (habitation, télévision, etc.) ainsi que le fruit de l’épargne de salariés qui vont payer les revenus des salariés pauvres ! En l’état, le projet de loi gouvernemental relatif à la généralisation du Rsa comporte des effets induits dangereux pour tous les salariés, avec ou sans emploi. De plus, il repose sur un financement injuste et ce, sans apporter de réponses satisfaisantes et pérennes à la lutte contre la précarité, la pauvreté et l’exclusion. Bien que le gouvernement affiche l’objectif d’une diminution d’1/3 du nombre de ménages vivant au-dessous du seuil de pauvreté (13,2 % en 2006), on estime que la création du Rsa ne devrait conduire qu’à une baisse de ce dernier de 0,8 % !
(1) RMI : revenu minimum d’insertion - API : allocation parent isolé. (2) RSA : revenu de solidarité active. (3) Pour l’essentiel, il s’agit en l’état du projet de loi, de l’assurance vie souscrite par 12 millions de ménages. Les plus riches seront protégés par le bouclier fiscal.
D’autres choix sont possibles
Rendre effectif le droit au travail pour tous appelle une réaction solidaire des privés d’emplois et de tous les salariés quels que soient leurs statuts professionnels (Cdi, fonctionnaires, agents publics, Cdd, intérimaires, contrats aidés, etc.). Vivre dignement de son travail Pour la CGT, quatre principes doivent prévaloir dans la mise en œuvre du Rsa :
- chacune, chacun doit pouvoir vivre dignement de son travail ;
- chaque heure de travail doit être rémunératrice ;
- le retour à l’emploi ne peut conduire à une diminution des revenus du ménage ;
- réduire le nombre de travailleurs pauvres et lutter contre la précarité et l’exclusion.
Les jeunes ne peuvent continuer à être exclus de ce dispositif comme le prévoit le gouvernement alors que le taux de chômage oscille aux alentours de 25 %. Toutes les personnes touchées par la pauvreté doivent être concernées par un dispositif leur permettant un parcours d’accès à l’emploi ou un revenu digne de ce nom. Or, en l’état, le projet de loi exclut les plus éloignés de l’emploi de toutes mesures les laissant avec un revenu d’environ 400 euros par mois.
Un service public de qualité
Les personnes qui rencontrent des difficultés pour s’insérer dans le monde du travail doivent être accompagnés par des professionnels de l’insertion sociale et professionnelle.
L’ensemble des obstacles rencontrés pour retrouver un emploi (santé, logement, garde d’enfants, formation professionnelle, etc.) demande à être évalué, analysé et résolu. Seul un service public est à même de répondre à ces exigences de qualité. Ce ne peut être, comme le prétend le gouvernement, des « opérateurs privés » dont le seul objectif sera de rentabiliser les capitaux investis dans la création de leur entreprise !
Revaloriser le travail
L’augmentation du taux d’emploi et la réduction du nombre de travailleurs pauvres et de la pauvreté impliquent, pour la CGT, de valoriser le travail et sa place dans la vie économique et sociale. Cela passe par l’amélioration des niveaux de qualification de toute la force de travail :
- des salariés en emploi et ceux privés d’emploi
- par un effort permanent de formation initiale et continue avec des moyens appropriés et par une reconnaissance des qualifications dans les salaires.
- Cela suppose aussi que les employeurs, privés et publics, créent des emplois plutôt que de les supprimer.
Des financements à la hauteur des besoins, solidaires et plus justes
Pour la CGT, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion appelle une politique qui cesse de favoriser les plus riches et d’accroître les exonérations de cotisations sociales inefficaces pour l’emploi, le développement économique, les salaires et la protection sociale. Les employeurs, les entreprises doivent assumer leurs responsabilités ; l’Etat doit organiser une véritable solidarité. Plusieurs mesures pourraient être prises comme une réforme du mode de calcul des cotisations sociales pour inciter les entreprises à accroître leur masse salariale et à créer des emplois stables et bien rémunérés, conditionner les aides accordées aux entreprises pour que les négociations salariales aboutissent et que les minima de branche ne soient pas inférieurs au Smic ou encore taxer le travail précaire sans oublier d’abroger l’inique paquet fiscal ! La CGT s’emploiera à tout faire pour que le Rsa ne soit pas un outil supplémentaire au service de la précarité et de la pauvreté. Elle mobilisera les personnes concernées et les professionnels pour que le droit au travail et à l’emploi décent devienne une réalité pour tous.