Parmi 9 millions de Français détenteurs de crédits à la consommation et 2,6 millions en difficulté de remboursement, 750000 ménages sont déclarés surendettés. Des faits divers dramatiques illustrent les pires effets de cette tendance lourde.
LA LOI
La loi Lagarde, portant réforme du crédit à la consommation et adoptée par le Parlement en juin 2010, prévoit des dispositions de lutte contre le surendettement en vigueur depuis le 1er novembre 2010.
LES ENJEUX
- Comment se saisir des avancées de la loi?
- Quelles sont les procédures?
- Quel est leur traitement?
- Quelles sont les limites de l'industrialisation du traitement du surendettement?
Depuis l'entrée en vigueur des dispositions liées à la loi Lagarde de lutte contre le surendettement, le 1er novembre 2010, les dossiers des usagers n'ont cessé d'affluer devant les commissions de surendettement. «Il y a l'effet crise bien sûr, mais on connaît un pic de demandes à chaque fois que la législation change, que l'on communique sur le sujet», précise Marc Thivolle Morand, secrétaire national de la CGT Banque de France, et responsable des services aux particuliers.
Pas encore de statistiques précises pour quantifier cette phase récente, mais les chiffres de 2009 rappellent que le nombre de dossiers déposés devant les commissions a atteint le niveau historiquement élevé de 216 000 dossiers et marqué une augmentation de plus de 14 % par rapport à l'année 2008. Au cours des dix premiers mois de l'année 2010, le volume des dépôts est resté stable, avec une progression de 1% par rapport aux dix premiers mois de 2009.
En 2011, 232 493 dossiers ont été déposés à la Banque de France et 202 900 ont été déclarés recevables.
En 2011, 232 493 dossiers ont été déposés à la Banque de France et 202 900 ont été déclarés recevables.
Reste que dans un contexte de développement des offres bancaires tous azimuts, de crise économique aiguë et durable, « la grande majorité des dossiers résultent du surendettement passif, précise déjà Jacques Rabouille, représentant des consommateurs à la commission de surendettement de la Somme et membre d'Indecosa-CGT.
C'est-à-dire à des situations où les accidents de la vie - divorce, perte d'emploi, maladie - ou le manque de revenus pour faire face aux dépenses contraintes, plongent des personnes dans la difficulté financière et dans un état psychologique dégradé par la détresse et la honte de leur condition ».
En d'autres termes, chacun peut être concerné.
1 Les avancées dans le traitement du surendettement
«La loi n'est pas allée assez loin sur la question des crédits à la consommation, pose en préalable Marc Thivolle-Morand. Mais, elle présente incontestablement des avancées pour les usagers qui recourent aux procédures de surendettement».
Parmi les plus importantes:
- La durée maximale de la procédure d'orientation du dossier de surendettement par la Banque de France est divisée par deux et passe à 3 mois - ce qui n'est pas sans poser problème du côté du traitement que peuvent y apporter les agents restés quasiment à effectifs constants.
- L'accès aux procédures de surendettement ne pourra plus être refusé aux personnes surendettées au motif qu'elles sont propriétaires de leur domicile principal, ce qui ne signifie pas que tout dossier déposé par un débiteur propriétaire soit automatiquement recevable.
- La durée des plans de surendettement passe de dix à huit ans.
- La durée d'inscription au fichier FICP des incidents de remboursement est réduite de huit à cinq ans dans le cas d'une procédure de rétablissement personnel et en l'absence d'incident et de dix à cinq ans, dans celui d'un plan de remboursement suite à une procédure de surendettement. Dans le cas des procédures de rétablissement personnel (PRP), la durée reste à cinq ans.
2 Protection des personnes surendettées
Autres mesures favorisant une meilleure protection des personnes surendettées:
- Les voies d'exécution ouvertes aux créanciers contre les biens de ces personnes y compris les saisies sur rémunération sont suspendues à partir de la déclaration de recevabilité des dossiers de surendettement.
- Les procédures d'expulsion du logement peuvent être suspendues par simple demande de la commission de surendettement au juge à partir de la déclaration de recevabilité des dossiers.
- Il est fait interdiction au débiteur de régler les dettes autres qu'alimentaires survenues antérieurement à la décision de recevabilité. En revanche, le débiteur doit essayer de régler les échéances à venir de loyer et de charges.
- Dans les sommes laissées à disposition du débiteur, figurent outre les dépenses de logement, d'eau, d'électricité, de gaz, de chauffage, de nourriture et de scolarité, les frais de garde des enfants, de santé et les déplacements professionnels. À cela s'ajoutent des dépenses que prennent en compte les commissions bien que non prévues dans la loi, comme les impôts ou les frais de téléphone.
- A compter de la date d'arrêté des créances par la commission, les créances ne peuvent plus produire d'intérêts ni générer de pénalités jusqu'à la mise en œuvre du plan conventionnel ou des mesures imposées ou recommandées. Cette date d'arrêté sera notifiée aux créanciers. Elle interviendra après le délai d'un mois suivant la notification de la recevabilité du dossier.
- Les banques sont tenues d'assurer la continuité des services bancaires des personnes ayant déposé un dossier de surendettement.
Enfin, les droits des personnes inscrites au FICP sont renforcés:
- Les consommateurs peuvent désormais consulter le fichier à distance par courrier;
- L'accès à celui-ci étant strictement encadré par la loi, les banques ne pourront plus en faire usage à des fins commerciales.
3 Le traitement des dossiers
«Des guichets d'accueil qui ne désemplissent pas», «des agents qui croulent sous les appels pressants de nombreux usagers», un outil informatique de traitement «inadapté aux nouvelles implications».
Les conséquences concrètes de la réforme sur le traitement des dossiers et l'organisation du travail des agents, la CGT Banque de France de Bretagne en sait quelque chose. Elle, qui dès novembre 2010, dénonçait: «une immense pagaille générale dont les usagers font les frais».
Et de pointer: «il est totalement inadmissible que des usagers passent des heures à essayer de joindre un agent de la Banque de France». Mais comment assurer cette mission de service public quand « la Banque de France répond par une baisse des moyens humains dans des services qui sont déjà, pour la plupart, en surcharge de travail»? «Il. manque, par exemple, 20 agents pour traiter du surendettement en Île-de-France», rebondit Denis Durand, secrétaire général de la CGT Banque de France.
Augmentation de la charge de travail avec baisse ou maintien des effectifs, dévalorisation progressive des statuts - 12 000 titulaires et 3 000 contractuels... la Banque de France apparaît comme un énième exemple de service public soumis à la règle de «l'austérité» et du «productivisme». Et son corollaire, devenu classique: souffrance au travail et interrogation sur la qualité du service rendu. «Les nouvelles mesures liées au surendettement ont augmenté la charge de travail, alourdi certaines procédures, explique le syndicaliste. Or, on ne laisse pas tomber un dossier de surendettement comme ça, les agents savent qu'il y a des familles, de l'angoisse, derrière.
Que privilégier ?
La rapidité de traitement; quitte à bâcler le travail, risquer un échec du plan et un retour en commission de surendettement dans deux ou trois ans ?
Ou faire les choses correctement, y passer le temps nécessaire et créer les conditions pour qu'une famille se sorte d'affaires ?
Les agents ne sont pas décideurs, mais ils sont conscients qu'une part de responsabilité leur revient implicitement dans l'aboutissement des procédures.
Cette industrialisation du traitement des dossiers de surendettement est psychologiquement lourde à porter».
4 Du côté des agents de la Banque de France
Plus globalement, et bien que ses activités n'aient cessé de se développer depuis la «salarialisation» de la société et l'obligation de paiement du salaire sur un compte bancaire, l'inquiétude est forte à l'égard de la. mission de service public que doit honorer la Banque de France.
La crise actuelle a encore accru ses missions - surendettement, fichier, médiation bancaire et information - tant dans le domaine des services aux particuliers que dans celui des relations avec les entreprises. Et le besoin d'intervention de la Banque de France sur l'économie des territoires et des bassins d'emplois n'a cessé de se renforcer.
Or, le contrat de service public, qui fixe les modalités selon lesquelles elle s'engage vis-à-vis de l'État, est reconduit cette année avec des modifications inquiétantes.
Il sera, par exemple, renouvelé par tacite reconduction, évacuant la phase de consultation prévue tous les 3 ans; la définition des missions de la Banque dans le contrat de service public change également. Des services ponctuels existent, mais la logique d'une mission générale de suivi et de soutien à l'économie des territoires et des bassins d'emploi disparaît.
Plus grave : «la Banque refuse de s'ouvrir à la société, de consulter, à commencer par les élus locaux, explique Denis Durand. La direction met en avant la signature de conventions avec telle où telle région mais au fond, elle ne veut surtout pas acter le principe selon lequel l'activité de la Banque centrale pourrait dépendre d'un dialogue avec la population.
C'est le résultat du traité de Maastricht qui prévoit que la Banque centrale soit indépendante. La réalité c'est qu'on n'obéit ni au gouvernement, ni aux élus du peuple, mais aux marchés financiers». Seule la capacité des syndicats à proposer des alternatives pour la défense du service public a jusqu'ici réussi à infléchir à cette logique. En 2003, par exemple, la CGT s'était notamment battue pour le maintien d'un réseau départemental de la Banque de France, plus proche des territoires que l'échelon régional...
A SAVOIR
Un devoir d'information
L'esprit de Ia loi Lagarde renforce le devoir d'information aux usagers sur les crédits à la consommation et les options possibles pour constituer un dossier de surendettement.
L'information est effectivement décisive pour stopper ou assainir une situation de ce type. Les assistantes sociales, travailleurs sociaux, éducateurs spécialisés, les bureaux d'accueil et d'information (BAI) situés dans les mairies ou les sous-préfectures doivent pouvoir informer et orienter sur la marche à suivre. Les secrétariats des commissions de surendettement qui se trouvent dans les succursales de la Banque de France, dans tous les départements, sont des guichets privilégiés, même s'ils ne reçoivent plus systématiquement les usagers.
En revanche, attention à l'information disponible sur Internet via le terme « surendettement ». Selon les portails de recherche, certains sont dévolus à des banques, d'autres à des organismes qui derrière l'offre d'information sur le surendettement , proposent le rachat de crédit, d'autres peuvent présenter des informations justes, mais incomplètes ou confuses.
Pour s'informer sur les principaux services bancaires et les droits des usagers, les sites les plus complets sont (liens actifs) :
- le site officiel de l'administration française : www.service-public.fr/, rubrique »argent, puis « crédit et surendettement ».
- le site de la Banque de France : infos pratiques surendettement.
Accéder au guide du surendettement de la Banque de France (droits, obligations, solutions...) - Possibilité de déposer un dossier en ligne (lien...)
Si vous pensez avoir besoin d’aide pour constituer votre dossier, vous pouvez vous faire accompagner par un organisme ou une structure qui vous aidera à remplir votre déclaration, comme par exemple :
- le service social du personnel du CASVP ;
- le Centre communal d’action sociale (CCAS) de votre commune ;
- les services sociaux du conseil général.