Nouvelle génération militante, les « colleuses » couvrent les murs des villes de messages dénonçant les féminicides et les violences sexistes. Deux membres du collectif Collages féminicides Paris évoquent pour nous le livre qui raconte leur combat.
REPÈRES
Un mouvement mondial
Les collages féministes, démarrés par Marguerite Stern, sont apparus sur les murs de Paris en 2019. Le mouvement des « colleuses» a rapidement grandi grâce aux réseaux sociaux.
Se revendiquant de la désobéissance civile, 1500 activistes collent aujourd'hui dans plus de 150 villes en France, ce mode d'action s'étant depuis étendu en Europe et outre-Atlantique.
La pratique du collage vise à briser le silence imposé aux femmes, aux enfants, aux minorités...
Carole
Au début, notre message était centré sur les féminicides, puis ça a grandi. Le collage se fait la voix des personnes qui ont perdu leur mère, des victimes d'inceste...Il vise à porter leur parole sur les murs et à pallier le déficit de prise en charge des institutions.
Léa
On nous demande souvent, pourquoi sur les murs? N'importe qui passant devant le collage peut s'identifier.
Carole
Au début, notre message était centré sur les féminicides, puis ça a grandi. Le collage se fait la voix des personnes qui ont perdu leur mère, des victimes d'inceste...Il vise à porter leur parole sur les murs et à pallier le déficit de prise en charge des institutions.
Léa
On nous demande souvent, pourquoi sur les murs? N'importe qui passant devant le collage peut s'identifier.
Le slogan « On te croit» montre qu'il y a derrière un groupe qui entend, qui vous comprend. Alors que dans les espaces publics, médiatiques, les paroles des victimes sont, au mieux nuancées, au pire passées sous silence.
Le mouvement se revendique comme intersectionnel, c'est-à-dire?
Carole
On ne peut pas s'engager dans le féminisme si on ne prend pas en compte toutes les dynamiques d'oppression qui alimentent notre société.
Léa
Oui, s'engager contre les féminicides, c'est aussi lutter contre la précarité. Les femmes exposées aux violences conjugales n'ont pas d'autre choix que de rester avec leur compagnon ou de se retrouver à la rue.
Carole
Le collectif affirme aussi une position antiraciste, il intègre les minorités de genres... Le collage n'est pas esthétique. C'est avant tout un mouvement politique.
À titre personnel, pourquoi avez vous rejoint le mouvement?
Carole
Il y a eu l'après-César de Polanski [accusé de onze viols,NDLR] en 2020 qui m'a mise très en colère. Puis, la nomination des ministres Gérald Darmanin et Éric Dupond Moretti [l'un était accusé de viol, l'autre de propos sexistes]. Pour ma part, le collage consistait d'abord à m'approprier la rue. Mon expérience de la nuit, c'était jusque-là de ne pas pouvoir circuler librement sans avoir peur, contrairement aux hommes. Et puis, ça a été de porter la parole de victimes.
Léa
Moi aussi, je voulais naviguer dans la rue avec force. Il y avait aussi dans mon quartier des messages qui m'avaient interpellée. Notamment celui avec le prénom d'une femme et la date de sa mise à mort.
Carole
La langue des collages est très efficace. On va droit au but. On nous reproche d'avoir parfois des messages trop violents, comme « Papa a tué maman ». Mais c'est la réalité d'énormément d'enfants.
La narration dominante a effacé la violence qui s'exprimait dans les mouvements de femmes par le passé.
Carole
C'est aussi pourquoi ce livre explique l'importance d'archiver, de documenter nous-mêmes nos luttes. On ne montre pas qu'au début du XXème siècle les suffragettes posaient des bombes en Grande-Bretagne, qu'elles se sont introduites chez le Premier ministre Herbert Asquith, que leurs actions violentes ont contribué à l'émancipation des femmes. Cela a été invisibilisé et participe d'une logique de domination.
Il y a un glossaire à la fin du livre pour expliquer les concepts de « privilège blanc », le «mansplaining»…
Léa
Le but du livre, c'était de s'adresser à un public qui ne nous connaît pas. Quoi de mieux que d'imaginer son père en train de lire l’ouvrage ? Du coup, il fallait absolument tout expliquer, notamment les concepts théorisés par des chercheurs ou chercheuses.
Carole
Par exemple, le «mansplaining », c'est quand un homme se permet de couper la parole à une femme ou de lui expliquer un sujet... qu'elle maîtrise beaucoup mieux que lui.
*Le collectif Collages féminicides Paris est un mouvement anonyme et sans leader.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CYRIELLE BLAIRE
« la Vie Ouvrière – Ensemble » – mensuel de la CGT- février 2022
Notre colère sur vos murs, de Collages féminicides Paris, Éditions Denoël, octobre 2021, 224 pages, 24€90
Le mouvement se revendique comme intersectionnel, c'est-à-dire?
Carole
On ne peut pas s'engager dans le féminisme si on ne prend pas en compte toutes les dynamiques d'oppression qui alimentent notre société.
Léa
Oui, s'engager contre les féminicides, c'est aussi lutter contre la précarité. Les femmes exposées aux violences conjugales n'ont pas d'autre choix que de rester avec leur compagnon ou de se retrouver à la rue.
Carole
Le collectif affirme aussi une position antiraciste, il intègre les minorités de genres... Le collage n'est pas esthétique. C'est avant tout un mouvement politique.
À titre personnel, pourquoi avez vous rejoint le mouvement?
Carole
Il y a eu l'après-César de Polanski [accusé de onze viols,NDLR] en 2020 qui m'a mise très en colère. Puis, la nomination des ministres Gérald Darmanin et Éric Dupond Moretti [l'un était accusé de viol, l'autre de propos sexistes]. Pour ma part, le collage consistait d'abord à m'approprier la rue. Mon expérience de la nuit, c'était jusque-là de ne pas pouvoir circuler librement sans avoir peur, contrairement aux hommes. Et puis, ça a été de porter la parole de victimes.
Léa
Moi aussi, je voulais naviguer dans la rue avec force. Il y avait aussi dans mon quartier des messages qui m'avaient interpellée. Notamment celui avec le prénom d'une femme et la date de sa mise à mort.
Carole
La langue des collages est très efficace. On va droit au but. On nous reproche d'avoir parfois des messages trop violents, comme « Papa a tué maman ». Mais c'est la réalité d'énormément d'enfants.
La narration dominante a effacé la violence qui s'exprimait dans les mouvements de femmes par le passé.
Carole
C'est aussi pourquoi ce livre explique l'importance d'archiver, de documenter nous-mêmes nos luttes. On ne montre pas qu'au début du XXème siècle les suffragettes posaient des bombes en Grande-Bretagne, qu'elles se sont introduites chez le Premier ministre Herbert Asquith, que leurs actions violentes ont contribué à l'émancipation des femmes. Cela a été invisibilisé et participe d'une logique de domination.
Il y a un glossaire à la fin du livre pour expliquer les concepts de « privilège blanc », le «mansplaining»…
Léa
Le but du livre, c'était de s'adresser à un public qui ne nous connaît pas. Quoi de mieux que d'imaginer son père en train de lire l’ouvrage ? Du coup, il fallait absolument tout expliquer, notamment les concepts théorisés par des chercheurs ou chercheuses.
Carole
Par exemple, le «mansplaining », c'est quand un homme se permet de couper la parole à une femme ou de lui expliquer un sujet... qu'elle maîtrise beaucoup mieux que lui.
*Le collectif Collages féminicides Paris est un mouvement anonyme et sans leader.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CYRIELLE BLAIRE
« la Vie Ouvrière – Ensemble » – mensuel de la CGT- février 2022
Notre colère sur vos murs, de Collages féminicides Paris, Éditions Denoël, octobre 2021, 224 pages, 24€90