Cap
22, c’est la nouvelle offensive de Macron, après la dernière et avant la prochaine.
22 pour
2022, mais aussi 22 comme les vingt-deux propositions qu’un rapport préconise
pour, ni plus ni moins, anéantir une armée de fonctionnaires.
Décryptage
Le « cap
» est donc fixé. Quarante-quatre « personnalités », issues pour la plupart « d’experts »
néolibéraux, du Medef, de
cabinets de conseil et de «management» ont été chargées par Macron et son
gouvernement de faire des propositions pour « transformer » l’action publique.
On ne
s’étonnera pas que leurs vingt-deux recommandations aient pour objectif de
privatiser des pans entiers de missions de service public, de supprimer cent
vingt mille emplois de fonctionnaires et d’économiser trente milliards d’euros.
Derrière
l’affichage hypocrite d’une amélioration des services publics et d’une
modernisation des conditions de travail des agents, la CGT estime que
l’objectif principal de Cap 22 est, bien au contraire, d’abandonner purement et
simplement certaines missions publiques, et de procéder par la même occasion à
une réduction drastique des dépenses publiques.
Plus
qu’un prolongement de la « Révision générale des politiques publiques » et de
la « Modernisation de l’action publique » de Sarkozy et Hollande, c’est la
liquidation de la Fonction publique élaborée sur la base des conquêtes de la
Libération qu’exprime la volonté de Macron.
Saper les principes mêmes de la fonction
publique
Le
rapport remet en cause la pertinence de l’égalité de traitement, qui serait
inadaptée devant la diversité des situations. L’objectif est donc de conditionner
une partie des moyens alloués aux résultats de satisfaction des usagers, de
faire reculer les normes et de livrer les données pour déléguer, externaliser,
privatiser les missions publiques.
Les
administrations devront remplir des objectifs de restrictions budgétaires
contractuelles sur une durée de cinq ans. Autrement dit, on ferme la porte à
l’investissement public.
En
matière de gestion des ressources humaines, on passe d’un pilotage des
effectifs à un pilotage en termes de masse salariale. Ce qui sonne le glas des
mesures générales de revalorisation du point d’indice au profit d’une part
variable de rémunération au mérite totalement arbitraire. Il s’agit aussi d’en
finir avec le contrôle sur l’utilisation de l’argent public et le contrôle des
entreprises, de réduire des normes jugées trop contraignantes.
L’État
abandonnerait des missions essentielles pour les transférer à des agences.
Parmi ces missions, le recouvrement et le contrôle fiscal, le conseil aux
entreprises, les statistiques et les études économiques, les missions
douanières et les droits indirects, la régulation du trafic aérien, le contrôle
et la répartition des produits et matières premières énergétiques,
l’aménagement du territoire, des pans de missions de l’enseignement supérieur,
l’organisation administrative des musées, la création d’une agence nationale du
sport, etc. Bref, on brade tout.
Casser le statut des agents
Le
rapport préconise de différencier davantage les carrières et les rémunérations
entre les trois versants de la Fonction publique, d’augmenter le nombre des
contrats d’apprentis en « pré recrutement » et, logiquement,
d’en finir avec la primauté d’accès par concours pour généraliser le contrat de
droit privé. Pour casser la boutique, il faut bien entendu casser le statut.
Pour cela, les «
managers » pourraient mettre en place des dérogations au statut des
fonctionnaires, notamment en ce qui concerne la rémunération, le temps de
travail ou la mobilité.
C’est aussi le
manager qui déciderait, « sans autre contrainte que celles du droit commun » et
dans le plus grand arbitraire, des évolutions et des promotions des agents.
Et pour être bien sûr
que les règles de management du privé seront appliquées au sein de la Fonction
publique, « les talents venant du privé » seront privilégiés pour l’accès aux
emplois de cadres dirigeants.
Le tout-numérique comme solution miracle
Au-delà de la
massification de la collecte des données et la réelle capacité de les traiter,
le rapport porte le numérique comme la solution miracle à quasi tous les
problèmes, ouvrant un avenir radieux pour des agents épanouis dans une nouvelle
relation au travail et des usagers tellement contents. Le principal intérêt du
numérique pour, nos quarante-quatre grands penseurs, c’est de diminuer encore
et toujours les dépenses de fonctionnement. Le numérique doit ainsi impacter la
gestion prévisionnelle des emplois, c’est-à-dire supprimer des postes.
La création
d’architectures informatiques inter administratives pourrait faciliter les
fusions, l’inter ministérialité, les créations d’agences. Le numérique pourrait
remplacer l’humain pour l’accueil de premier niveau (chatbot), pour étendre les
plages horaires (grâce à des « robots physiques »).
Cet accueil serait
concentré en un point unique pour tous les services publics. Les agents
présents devraient alors être polyvalents, et avoir toutes les habilitations
nécessaires. Quant aux maisons de service au public, elles ne se limiteraient
plus uniquement à l’accueil mais donneraient accès aux services, prises de
rendez-vous, conseils, formation, accès aux soins, et, chaque fois que
possible, par visioconférence. En fait, il s’agit bien de réduire au maximum
l’offre de services publics existante et de confier au privé nombre de
missions.
Sabrer dans les dépenses publiques
L’État devrait
renoncer à des compétences, qui seraient transférées aux régions, mais… sans
les fonds. Le rapport préconise en effet à l’État de finir de se désengager du
secteur de la jeunesse, de la vie associative, de la formation, de
l’orientation, du développement économique, de l’aménagement, de l’énergie et
du climat, pour un transfert complet aux régions. Il incite aussi l’État à se
désengager là où ce n’est pas encore fait : transport ferroviaire (et ouverture
au privé), réseau de transport routier, distribution de l’énergie, logement,
financement de l’ONF, sport pour tous. Et loin de s’arrêter là, une grande
«revue des missions» est demandée pour aller plus loin dans les transferts.
Cerise sur le gâteau, les préfets de région
géreraient les ressources humaines des services publics en créant une nouvelle
filière administrative territoriale interministérielle pour remplacer tous les
corps administratifs actuels gérés actuellement ministère par ministère. Ce
serait la fin de tous les statuts particuliers et le début de la mobilité
forcée. Le rapport préconise aussi de limiter les interventions publiques qu’ils
considèrent comme « trop coûteuses ».
Et ces « experts » de réclamer
également une mutualisation de l’achat public et l’externalisation des tâches
aujourd’hui réalisées par l’administration. Les contrôles seraient désormais
effectués par des opérateurs privés, par délégation du préfet, avec extension
aux domaines de la concurrence, de la protection du consommateur et de la
répression des fraudes. Il s’agirait aussi de développer l’autocontrôle à
partir de référentiels d’autodiagnostic.
Et dorénavant, l’usager paiera.