★ CGT FONCTION PUBLIQUE - COMMUNIQUE DE PRESSE - Recours aux cabinets conseil dans la Fonction Publique : la CGT à l’offensive !

Le Sénat examine actuellement une proposition de loi "encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques". Ce texte décline les recommandations du rapport de la mission sénatoriale concernant l’influence des cabinets conseil sur les politiques publiques du 16 mars dernier qui a mis en lumière une explosion de cette forme de privatisation.
 

Tirant conséquence des termes de ce rapport qui pointe un certain nombre de comportements susceptibles de recevoir une qualification pénale, la CGT Fonction Publique a déposé plainte contre x auprès du Parquet National Financier et organisé ce 26 octobre une conférence de presse.

Utilisation de fonds publics manifestement disproportionnée à la réalité des prestations, qui s’avèrent inutiles, redondantes et pour certaines restées sans suite, sans vérifier la possibilité de confier ces missions en interne l’administration, collusions entre acteurs publics et privés, procédures opaques à haut risque de conflits d’intérêts, échappant au contrôle et à l’évaluation, problématique de conservation des données publiques à des fins privées…
 

Les faits documentés par la mission du Sénat et de nombreux articles de presse sont susceptibles de caractériser des infractions telles que le détournement de fonds publics ou négligence dans l’utilisation des fonds publics, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts, favoritisme, abus de confiance, contrefaçon et usage des marques de l’autorité, recels de ces infractions et enfin association de malfaiteurs.
 

Ils s’inscrivent dans un contexte politique de choix budgétaires accompagnant la « marchandisation de l’action publique » et des régressions sociales (APL, assurance chômage, retraites, droit d’asile…).
 

Le recours aux cabinets conseil, qui influent sur les politiques publiques, se fait au mépris des missions et dégrade les conditions de travail des agent∙es de la Fonction Publique : relégué∙es au rôle d’exécutant∙es de stratégies décidées par des acteurs privés, ni consulté∙es, ni même sollicité∙es pour des missions qui sont leur raison d’être, dénigré∙es dans leur travail… Les raisons de la colère sont nombreuses !
 

En 2021, Plus d’un milliard d’euros ont été consacrés au recours aux cabinets conseil. Cette somme qui n’est que la partie immergée de l’iceberg de cette pratique « tentaculaire », aurait permis de financer l’embauche de 20 000 fonctionnaires !
 

Les projets de loi de finances et de finances de la Sécurité Sociale 2023, imposés par 49-3, confirment les politiques d’austérité pour la Fonction Publique ainsi que la pérennité du recours aux cabinets conseil au mépris de l’intérêt général.
 

La CGT Fonction Publique, forte de sa campagne « 10% maintenant », est pleinement inscrite dans la mobilisation actuelle pour l’augmentation générale des salaires. D’autres choix au service de l’intérêt général et du progrès social sont effectivement possibles : emplois, salaires, réduction du temps de travail, égalité !

26/10/2022

La CGT porte plainte contre le recours massif aux cabinets de conseil par le gouvernement
 

 

 

 

Trois des syndicats de la confédération ont déposé plainte contre X, mardi, auprès du Parquet
national financier, générant une nouvelle suite judiciaire à cette affaire lancée par le rapport
du Sénat, qui dénonçait « un phénomène tentaculaire ».

Par Benoît Floc'h
Publié le 26 octobre 2022 à 15h42 Mis à jour le 26 octobre 2022 à 17h15

Recourir aussi massivement aux cabinets de conseil pendant le premier quinquennat
d’Emmanuel Macron, était-ce illégal ? La CGT le pense. Trois des syndicats de la
confédération ont déposé plainte contre X, mardi 25 octobre, auprès du Parquet national
financier (PNF), générant une nouvelle suite judiciaire à cette affaire lancée par le rapport du
Sénat de mars 2022. Les sénateurs y dénonçaient « un phénomène tentaculaire » et un
doublement des dépenses liées à des missions de conseil. Une enquête a déjà été ouverte sur
certains aspects fiscaux et une plainte déposée par le Sénat pour faux témoignage.

La CGT ne réfute pas « la démarche politique » que représente cette plainte, déposée par
l’UFSE-CGT (Union fédérale des syndicats de l’Etat, fonction publique d’Etat), la Fédération
des services publics (fonction publique territoriale) et la Fédération CGT de la santé et de
l’action sociale (fonction publique hospitalière). Mais ce qui relève, selon elle, d’« une
marchandisation du service public » s’est produit « au mépris des missions du service public
et a dégradé les conditions de travail d’agents relégués au rôle d’exécutants ». Selon le
Sénat, les dépenses consacrées au conseil ont doublé pendant le premier mandat du président
de la République, portant la facture à un milliard d’euros en 2021.

Or, souligne la CGT, cette somme représente l’embauche de 20 000 fonctionnaires. « Un
pognon de dingue », a dénoncé Me William Bourdon, avocat de la CGT, faisant allusion à
l’expression utilisée par Emmanuel Macron lui-même à propos des dépenses sociales de
l’Etat, « sur lequel il faudra s’expliquer et qu’il faudra peut-être un jour rendre… »

Les deux avocats du syndicat, Mes William Bourdon et Vincent Brengarth, ont expliqué lors
d’une conférence de presse, mercredi 26 octobre, ce qui, dans cette pratique courante et
ancienne, pourrait relever d’une qualification pénale. Ils ont identifié sept infractions,
notamment le détournement de fonds publics par négligence, Me Brengarth relevant
« l’existence de prestations inutiles ou redondantes » ou ne donnant lieu à aucune suite. C’est
sur ce fondement que Christine Lagarde, aujourd’hui présidente de la Banque centrale
européenne, a été condamnée dans l’affaire Tapie, en 2016, a rappelé Me Bourdon. « Le délit
est parfaitement adapté, a-t-il précisé. C’est même le minimum syndical… »

« Entre-soi profond »

La plainte, épaisse d’une cinquantaine de pages, évoque également le trafic d’influence, du
fait de « la collusion et de la perméabilité entre acteurs publics et privés », Me Brengarth
s’interrogeant à cette occasion sur « l’intervention de consultants à titre gratuit dans la
campagne d’Emmanuel Macron ». Une prise illégale d’intérêt est également envisagée du fait
« des relations » entretenues entre Emmanuel Macron et des collaborateurs associés du
cabinet McKinsey. De même qu’un potentiel favoritisme, du fait de « l’absence totale de
transparence » avec laquelle ont été passées certaines commandes.

En outre, les avocats dénoncent un abus de confiance, du fait de « l’absence de lisibilité et de
transparence dans la manière dont sont utilisées les données [confiées par l’administration]
une fois la mission réalisée », a encore relevé Me Brengarth, en déplorant « l’absence totale
de maîtrise » de la puissance publique. L’avocat a également souligné la contrefaçon et
l’usage des « marques de l’autorité ». Il en a donné pour exemple une note de McKinsey de
2020 sur la réforme des aides personnalisées au logement, présentée « sous le sceau de
l’administration ».

Enfin, ont accusé les avocats, « le support » de la commission de ces infractions n’est rien
d’autre, à leurs yeux, qu’une association de malfaiteurs. Les deux avocats demandent
l’ouverture d’une enquête préliminaire, parce qu’il s’agit ici, assurent-ils, d’« une caricature »
de ce « cancer » que représente « l’entre-soi profond qui se cache et se dissimule ».

« Infantilisant et méprisant »

Pour la CGT, c’est bien la défense des fonctionnaires qui justifie la plainte. Présente à la
conférence de presse, Aude Evrard-Debatte, représentant la CGT à l’Office français de
protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a expliqué comment s’était passée l’intervention
de deux cabinets de conseil au sein de l’Ofpra, entre septembre 2021 et mars 2022. La
syndicaliste a affirmé que cette mission avait été diligentée pour accélérer le traitement des
dossiers de demande d’asile. Elle a décrit des ateliers de travail dirigés par des consultants
parlant de « clients » pour évoquer les demandeurs d’asile.

Selon Aude Evrard-Debatte, les agents publics étaient tenus de se justifier, dossier par dossier,
du temps qu’ils avaient consacré à leur examen. Evoquant « un management visuel sorti
d’une école primaire », elle a trouvé cela « infantilisant et méprisant », y voyant la tentative
de « calquer un modèle de start-up néolibérale à une administration publique centrée sur
l’humain ».

Sur quoi cela va-t-il déboucher ? Les deux avocats de la CGT attendent maintenant la réponse
du PNF. Si celui-ci décide d’un classement sans suite, ou s’il ne répond pas dans les trois
mois qui viennent, ils pourront déposer une nouvelle plainte avec constitution de partie civile.

Cela déclencherait la nomination d’un juge d’instruction. Ils ne se montrent pas inquiets sur
les motifs qui, au fond, justifient à leurs yeux l’ouverture d’une procédure. « Nous identifions
plus d’obstacles politiques que d’obstacles techniques », confie Vincent Brengarth.

Benoît Floc'h "Le Monde "

26/10/2022


 La CGT a l’assaut des cabinets de conseil

 

Trois fédérations de la centrale ont déposé plainte cette semaine pour alerter de l’influence de ces sociétés sur les décisions politiques. Le syndicat dénonce l’opacité de ces marchés publics et appelle à l’ouverture d’une enquête préliminaire.

Publié le Mercredi 26 Octobre 2022
Marie Toulgoat

“Une démarche politique”. C’est ainsi que trois fédérations de la CGT, représentant les trois versants de la fonction publique, on décrit leur action. Ce mardi, ces organisations ont déposé plainte contre X devant le parquet national financier, pour demander l’ouverture d’une enquête préliminaire quant à l’usage - “systématique” et “occulte” - de prestations de cabinets de conseils par l’État. Si l’emprise de ces officines sur l’action du gouvernement a été mise en lumière par le scandale McKinsey, cela n’est ”que la face immergée de l’iceberg”, assure Delphine Colin, secrétaire nationale de l’union fédérale CGT des syndicats d’Etat. “En tant qu’organisations syndicales, nous sommes confrontées à beaucoup d’opacité lorsqu’il est question de cabinets de conseils. Les instances représentatives du personnel ne sont pas au courant des appels d’offres, ni des interventions«, expose la syndicaliste, pointant que beaucoup de missions confiées au privé pourraient pourtant être conduites par les agents de la fonction publique.
 

Un gaspillage d’argent public
 

La plainte fait mention de pas moins de huit qualifications qui pourraient ouvrir la voie à des condamnations pénales. Les fédérations de la CGT ont notamment alerté la justice sur le détournement de fonds par négligence. “C’est le cas lorsque des prestations sont inutiles, redondantes ou suivies d’aucun effet”, explique l’avocat des organisations syndicales Vincent Brengarth. “On peut penser à la commande faite à McKinsey dans le cadre du projet de réformes des retraites en 2019 qui n’a pas abouti”. La plainte mentionne également la prise illégale d’intérêt. »Des relations ont été entretenues entre Emmanuel Macron et certains de ses collaborateurs qui ont par la suite intégré ces cabinets privé. 

Ce mélange des genres est endémique et significatif”, insiste la robe noire. Puisqu’une grande diversité d’acteurs - des consultants privés aux ministres, en passant par d’autres hauts fonctionnaires - trempent dans ces manigances contractuelles, les avocats des syndicats ont également mentionné au parquet l’association de malfaiteurs.
 

Ce recours systématique aux cabinets de conseil est un gaspillage évident d’argent public, comme l’avait démontré une commission d’enquête sénatoriale plus tôt cette année. Celle-ci estimait ainsi que l’État avait déboursé plus d’un milliard d’euros pour des prestations fournies par ces cabinets en 2021. 

Une estimation probablement très en-deçà de la réalité puisque les dépenses de nombreux opérateurs publics n’ont pas été analysées. Mais ces collusions entre les cabinets et l’État détériorent également fortement les conditions de travail des agents de la fonction publique, forcés malgré eux de collaborer avec ces cabinets. A l’Office Français de la Protection des Réfugiés et Apatrides, les agents ont subi de plein fouet l’intervention de consultants privés, rodés aux coutumes de la “start-up nation”, dans leurs missions. “Pour parler des usagers de ce services publics, les consultants utilisaient le terme “clients””, se souvient Aude Evrard-Debatte, officière de protection, qui a découvert par hasard que ces consultants provenaient d’un cabinet privé et n’étaient pas fonctionnaires, comme elle le pensait. “Il y avait un grand flou sur les objectifs de la mission. On nous a demandé de nous justifier pour l’ensemble des décisions d’asile qui n’ont pas été rendues en moins de deux mois. Nous avons refusé de le faire, car c’était méprisant et infantilisant.« Après plusieurs mois ponctués de 2 heures de réunions hebdomadaires, le cabinet de conseil n’a finalement fourni aucun document, assure l’agente.
 

"Entre soi profond" entre les élites du public et privé
 

La délégation de mission stratégique à des entreprises privées a alerté les syndicats jusque dans les hôpitaux. “Nous avons le sentiment que les décisions politiques ont été prises par ces cabinets de conseils”, déplore en effet Mireille Stivala, secrétaire générale de la fédération CGT de la santé et de l’action sociale. Pour cause : tout au long de la crise sanitaire, des pans entiers de la stratégie de prévention et de soins ont été confiés à des consultants. McKinsey a ainsi été chargé de mener la campagne vaccinale, pendant que Citwell a été mandaté l’approvisionnement de la France en masques, explique le rapport de la commission d’enquête sénatoriale. Une troisième société, Accenture, a été désignée architecte des systèmes d’information, incluant le passe sanitaire.
 

“Ce que nous voulons en plus de ce que suggère la proposition de loi, c’est d’interdire l’intervention des cabinets de conseils dans certains secteurs, comme celui de la mise en oeuvre des politiques publiques”

Pour l’avocat William Bourdon, l’ensemble de l’affaire illustre bien “l’entre soi profond” qui existe entre les élites, qu’elles viennent du secteur public ou privé. A la faveur du dépôt d’une proposition de loi au Sénat encadrant l’intervention des cabinets de conseils, en juin dernier, les fédérations de la CGT espèrent bien peser sur le débat public. “Ce que nous voulons en plus de ce que suggère la proposition de loi, c’est d’interdire l’intervention des cabinets de conseils dans certains secteurs, comme celui de la mise en oeuvre des politiques publiques”, explique Delphine Colin de l’UFSE-CGT. Si le parquet décide d’ouvrir une enquête préliminaire, encore faudra-t-il que les cabinets de conseil ou l’Etat, s’ils en venaient à être visés, ne brandissent pas le secret des affaires. “Il n’est pas question que ce secret soit l’habillage de l’impunité et du crime financier”, a toutefois prévenu l’avocat William Bourdon.

Marie Toulgoat "L'Huma"