Or, au CASVP, la seule « négociation » prévue à ce jour est un agenda social d’une heure et demi le 24 juin 2021, une fois que la messe sera dite. Car après, en Comité Technique du CASVP, on nous répondra que le temps de travail, c’est à la Ville que ça se décide, mais que là « on est au CASVP ».
Et au CASVP, il y a de la souffrance. Beaucoup de gens, et d’agents en souffrance.
C’était déjà dur avant le covid, parce que les établissements du CASVP sont conçus pour accueillir ou héberger un public des plus vulnérables. Les personnes âgées et dépendantes dans les EHPAD. Les personnes dans les centres d’hébergement. Les personnes suivies par les services sociaux. Les personnes sans domiciles, les personnes à qui on sert des repas dans les restaurants solidaires, qu’on reçoit dans les accueils de jour, celles pour qui on ouvre droit aux prestations de la Ville pour tenter de joindre les deux bouts. Au CASVP, on ne peut pas faire les métiers qu’on fait comme des robots, on s’occupe des gens qui ne sont pas venus là pour le plaisir. Invisibles, comme notre public.
La pandémie a eu un impact particulièrement fort, traumatisant même. Le CASVP, ce sont des établissements qui ne doivent pas, ne peuvent pas s’arrêter de fonctionner. Donc, quand on est agent au CASVP en temps de pandémie, on doit gérer ses propres angoisses face à la maladie et à la mort, mais aussi devoir absorber celles des gens qu’on accompagne au travail, inévitablement.
Cela fait 15 mois que les agents continuent à travailler dans des conditions très, très dégradées. A porter à bout de bras les services et les gens qui en dépendent. C’est vrai, on a été applaudis en mars et avril, remercié en juin et en janvier. De rien… On a fait tout ce qu’on a pu, continué à s’occuper des gens qui en ont besoin, « quoiqu’il en coûte », c’était la formule de Macron qui accompagnait un discours plein de promesses. Macron a dit que c’était la guerre, et à la guerre il y a des morts.
Des morts il y en a eu, dans les EHPAD surtout. Des dizaines de résidents, et 4 collègues. Et la guerre est pas finie : la dernière collègue dont on déplore le décès c’était le 23 mars 2021, elle était aide-soignante, elle travaillait depuis 30 ans à l’EHPAD Cousin de Méricourt à Cachan.
Et nous revoilà 15 mois après les applaudissements et les promesses. Les perspectives au niveau social, on sait ce qu’elles sont : plus de 6 millions de chômeurs, avec une réforme du chômage qui s’annonce catastrophique, plus de pauvreté. Et toujours autant de personnes âgées parce que c’est la démographie, on n’y peut rien. Et des collègues à bout, et certains établissements complètement naufragés, que les collègues fuient et où les Directions n’arrivent plus à recruter. C’est un problème d’attractivité, tu m’étonnes.
Sauf que là, les remerciements ne passent plus. Anne Hidalgo ne peut pas nous dire merci en janvier, et attendre la 3ème journée de grève en mars pour nous annoncer qu’on va nous supprimer 8 jours de congés. Pas maintenant, on ne peut pas l’accepter. Elle ne peut pas se cacher derrière son légalisme pour dire que c’est pas de sa faute, et que si elle n’applique pas, peut-être qu’on sera pas payés par la DGFIP. Dans quel régime et dans quelle époque on vit pour menacer des fonctionnaires de leur couper les vivres ? Nous faire ça alors qu’on doit continuer quoiqu’il en coûte, quoiqu’il en coûte pour nous, c’est dégueulasse. Nous le faire maintenant, alors que c’est encore « la guerre », c’est déloyal. Quand on prétend être de gauche, incarner le progrès social, on doit choisir son camp, son camp historique.
Et nous aussi on a dû choisir, au pied du mur. Les services du CASVP ne peuvent pas s’arrêter, oui ça pose problème quand on veut se défendre, en tant que salariéE. Faire grève, c’est toujours un dilemme. Non seulement on perd du salaire, mais on sait aussi que ceux qui vont trinquer, c’est les gens dont on s’occupe, et qui sont déjà dans la merde. Donc ce n’est jamais une décision facile.
Mais avec cette loi, il faut que collectivement, on voie plus loin. Le processus, à moyen terme, est assez simple. Aligner nos conditions de travail sur celles du privé, mais du privé au ras des pâquerettes. Le code du travail dans sa plus simple expression, comme s’il n’existait pas de conventions collectives qui permettent d’avoir plus de 25 jours de congés par an. Dégrader encore nos conditions de vie, et nos conditions de travail, ce qui va mécaniquement dégrader la qualité du service. Et quand les services fonctionneront trop mal, hop ! Solution magique : on externalise d’office. On privatise, et les agents sont détachés d’office, ils perdent leur statut de fonctionnaire pour être transféré sur un CDI de droit privé. C’est une possibilité dans la loi, l’administration parisienne sous Anne Hidalgo ne le fera peut-être pas, mais les suivantes ? Ce n’est pas une loi de transformation, mais de destruction de la fonction publique.
Voilà ce que l’on craint. Alors il ne s’agit pas seulement de défendre nos 8 jours de congés, ou de compenser leur perte. Les conséquences sont beaucoup plus vastes. Il s’agit aussi de défendre ce pourquoi on travaille, le service public. Dans la période que l’on vit, la CGT porte d’autres perspectives : diminuer le temps de travail pour le partager, embaucher des fonctionnaires pour améliorer des services publics utiles à la collectivité et accessibles à la population. Pour répondre à la fois aux besoins sociaux et au chômage de masse, mais aussi pour l’écologie ; la pandémie n’étant que la première convulsion ressentie mondialement d’une planète malade d’un modèle productiviste qui consiste à toujours travailler plus, consommer mal, courir, courir, courir après un temps qu’on ne peut mettre ni dans sa poche, ni sur un compte bancaire.
C’est pourquoi, la CGT CASVP revendique la création d’une sujétion spécifique de niveau 2 (6 jours par an) pour tous les agents du CASVP, cumulable avec la sujétion prenant en compte l’environnement et l’intensité du travail dans la ville capitale, et avec les sujétions déjà existantes pour les agents qui en bénéficient.