🚩 Submergés par les demandes de domiciliation de SDF - Le Grand Parisien du 25 juillet 2025 - Service de domiciliation (Paris Adresse) de la Ville de Paris en Grève illimitée depuis le 10 juillet 2025

Il y a huit jours, les agents du service Paris Adresse ont entamé une grève illimitée. Ils réclament une prime et de meilleures conditions de travail face à l'aflux de "200 usagers par jour".

Léa Farges Le Parisien

C'EST FERMÉ MONSIEUR, c'est la grève.» Ce jeudi matin, cet agent de Paris Adresse vient de doucher les espoirs de Sikamoto. Comme 13 400 autres personnes sans domicile fixe dans la capitale, cet homme immigré du Ga­bon reçoit régulièrement son courrier ici, au 25, rue des Renaudes (XVIIe). Créé en 2020 par la Ville, en partenariat avec La Poste, ce service vient compléter l'action des associations qui permettent de domicilier quelque 100 000 personnes à Paris. Soit un quart des domiciliations en France selon la municipalité.

Mais cette fois, venu pour son renouvellement annuel de domiciliation, Sikamoto se retrouve devant une dizaine de grévistes, des drapeaux de la CGT et une pancarte « fermée, en grève ». « Je dors à droite, à gauche, je n'ai pas d'adresse fixe », confie cet ouvrier dans le bâtiment qui « ne peut pas déclarer son emploi sans adresse ».

« On a épuisé toutes les voies de dialogue »

Les bénéficiaires peuvent, malgré la grève, venir récupérer leur courrier, distribué dans des boîtes gérées par La Poste dans les locaux. Mais les demandes et renouvellements de domiciliation, eux, sont suspendus depuis huit jours en raison de cette grève illimi­tée, entamée par dix des douze agents instructeurs du service. Ce jeudi là, la CGT a convié la presse pour alerter sur leurs conditions de travail et les difficultés d'accueil des usagers.

Chaque jour, « environ 200 personnes » se présentent à l'accueil, mais seule « la moitié » peut être reçue, déplore Simon Le Cœur, secrétaire général de la CGT du Centre d'action sociale de la Ville de Paris, présent lors du rassemblement «Beaucoup de personnes viennent ici car leur régularisation en dépend», développe-t-il.

C'est le cas de Shahzad, réfugié pakistanais venu à Paris Adresse, accompagné de son ami Ali, qui assure la traduction. Lui aussi travaille dans le bâtiment et doit renouveler sa domiciliation. Son rendez vous à la préfecture est prévu dans cinq jours. «Il ne lui manque plus qu'un justificatif de domicile» explique son ami.

«Ça nous brise le cœur de faire grève. Chaque jour les usagers continuent de venir et on leur explique que c'est fermé. Mais on a épuisé toutes les voies de dialogue avec la Ville», poursuit Simon Le Cœur. Les agents en grève réclament une prime de 140 € par mois ainsi que la création de deux nouveaux postes.

On a que quatre bureaux d'accueil et sept places dans la salle d'attente.
Les usagers attendent parfois des heures dehors.


Les grévistes eux, continuent de dénoncer des locaux existants sous-dimensionnés par rapport au flux constant du public. «Dès notre arrivée au bureau le matin, du monde qui patiente dehors. On ne s'arrête pas, c'est du travail à la chaîne, décrit Omar, l'agent instructeur le plus ancien du service. On a que quatre bureaux d'accueil et sept places dans la salle d'attente. Les usagers attendent parfois des heures dehors».

En outre, leurs missions s'apparenteraient à celles d'un travailleur social, bien qu'ils soient rémunérés au titre d'agents administratifs. «On est face à des personnes avec des parcours de vie assez durs. On est amenés à faire beaucoup de choses qui dépassent nos compétences : traduction, accompagnement psychologique… Tout ça sans reconnaissance ni rémunération adaptée» explique Omar, qui parle le diakhanké, un dialecte du Sénégal en plus du français.

Un des symptômes de ce malaise, selon Simon Le Cœur, «c'est qu'il y a un énorme turnover, car les conditions de travail sont trop difficiles. Il y a eu des agressions, c'est pour ça qu'il y a un vigile maintenant »

La Ville propose une revalorisation de 70€

Présent lors du rassemblement ce matin, Laurent Sorel, conseiller de Paris élu dans le XXe arrondissement assure être «tombé des nues en découvrant les conditions de travail ici». «Une seule salle d'eau pour les usagers et bénéficiaires, des salaires de misère... Ce n'est pas normal, déplore l'élu. On parle d'une dizaine d'agents. Pour une ville comme Paris et ses 5 500 agents, 140 € de prime ce n'est rien du tout. C'est bien que ce service ait été créé en 2020, mais il faut maintenant lui donner les moyens de fonctionner.»

Sollicitée par «Le Parisien», la Ville de Paris reconnaît que «Paris Adresse, comme l'ensemble des dispositifs accueillant des publics en précarité, est extrêmement sollicité et a atteint sa montée en charge en 2024 ». La municipalité assure par ailleurs «qu'une revalorisation de 70 €» a été proposée à ses agents et qu'un nouveau local va être mis disposition des douze agents instructeurs «le temps des travaux générateurs d'importantes nuisances.»

Léa Farges "Le Parisien"

«Du travail à la chaîne» : à Paris, ce service chargé de la domiciliation des SDF croule sous les demandes (lien...)